« L’école maternelle, laboratoire de la réussite »
L’on connaît par coeur le discours, répété depuis des années, des décennies, même. Après avoir longtemps été une fierté française et un pilier central de la République, l’école va mal, elle n’est plus à la hauteur de ses ambitions, « le niveau baisse »…
Au-delà de la déploration grincheuse, c’est un constat qui repose, hélas, sur de solides évidences, attestées par bien des études nationales et internationales : l’école, en France, n’est plus – ou plus assez – juste ni efficace. Loin d’être une machine de guerre contre les inégalités sociales, elle a tendance à les accentuer. Loin d’assurer à tous les enfants les apprentissages fondamentaux, elle envoie au collège des écoliers qui, pour quelque 20 % d’entre eux, ne savent pas correctement lire, écrire et compter ; et qui se retrouvent inévitablement en situation d’échec.
Raison de plus pour se réjouir des résultats de l’étude que vient de rendre publique le ministère de l’éducation nationale sur le niveau des élèves à l’entrée à l’école primaire.
Cette enquête de grande ampleur a été réalisée, en 2011, sur un panel de 15 000 élèves entrant au cours préparatoire. Leurs acquis – dans les domaines de la phonologie, de la numération, de l’écriture, de la prélecture, du repérage dans le temps ou de la compréhension orale – ont été évalués exactement sur les mêmes bases qu’en 1997, lors d’une enquête similaire.
Les résultats sont remarquables. En effet, le niveau de performance des élèves a progressé de façon très significative : en 1997, deux écoliers sur trois (66 %) réussissaient à répondre à la centaine de questions ou items utilisés dans ces enquêtes ; quatorze ans plus tard, ils sont près de trois sur quatre (74 %).
Cette élévation est générale : c’est l’ensemble des écoliers qui a progressé, notamment les plus faibles. Elle n’a pas été affectée par la baisse sensible, durant cette période, de la scolarisation à deux ans. Mieux, l’on observe une réduction des inégalités sociales : les élèves issus des milieux les plus défavorisés ont progressé un peu plus que ceux des familles les mieux dotées. En gros, les enfants d’ouvriers réalisent aujourd’hui les mêmes performances que ceux de cadres en 1997.
L’évolution de la société française explique, pour une part, ce résultat encourageant. Entre 1997 et 2011, le pourcentage de familles dont les parents sont diplômés de l’enseignement supérieur a pratiquement doublé, pour atteindre 42 % pour les mères et 36 % pour les pères. Or on sait que le capital culturel des familles a un effet mécanique sur les performances scolaires des enfants.
Mais l’évolution de l’école maternelle a également contribué à cette mutation. En effet, les choix politiques et la pression des parents ont conduit, en 2002, et plus encore en 2008, à mettre l’accent, dès la maternelle, sur les « apprentissages fondamentaux » pour mieux préparer les enfants à la « grande école ». Bref, à faire de ce premier cycle scolaire davantage une propédeutique à l’école primaire, au détriment des besoins et des rythmes spécifiques de la petite enfance.
Globalement réjouissants, les résultats de l’étude du ministère sont néanmoins embarrassants pour le ministre de l’éducation nationale. Vincent Peillon souhaitait freiner le processus de « primarisation » de l’école maternelle. Il plaide désormais pour une approche plus équilibrée.